Loi de transition énergétique : quel impact sur les industries ?

photo P Savin (PS)Patricia SAVIN
Avocate associée, Docteure en droit
DS AVOCATS
Animatrice de la formation EFE « Se perfectionner au droit de l’environnement industriel« , 10 et 11 décembre 2015, à Paris

La loi de transition énergétique pour la croissance verte, adoptée le 17 août 2015 devrait impacter le secteur industriel, et ce faisant les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Issue d’un très important travail parlementaire important (5 034 amendements déposés, 970 amendements adoptés, 150 heures de débat, plusieurs centaines dheures de travaux en commission, 215 articles), la loi sur la transition énergétique prévoit d’importantes mesures concernant la transition vers une économie circulaire (1), ainsi que des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre (2).

  1. L’économie circulaire : enjeu opérationnel pour les industries reconnu par la loi

Le nouvel article l.110-1-1 du Code de l’environnement introduit par la loi de transition énergétique donne un nouveau cap en terme de business model aux industries : » La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets. (…)  »

L’ économie circulaire a ainsi vocation à remplacer l’économie linéaire, en même temps que l’éco-conception des produits devra remplacer leur obsolescence programmée. Tous les cinq ans, le gouvernement fixera une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, incluant notamment un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques qui permet d’identifier les potentiels de prévention de l’utilisation de matières premières, primaires et secondaires. Seront incités :

  • les circuits courts et l’économie locale ;
  • l’utilisation de matériaux issus de ressources naturelles renouvelables gérées durablement et issues du recyclage ;
  • l’allongement de la durée du cycle de vie des produits ;
  • la prévention, la réduction ou le contrôle du rejet, du dégagement, de l’écoulement ou de l’émission des polluants et des substances toxiques.

Très concrètement, la loi prévoit déjà :

  • l’amélioration de la conception des produits pour augmenter leur durée de vie: avec pénalisation de l’obsolescence programmée ;
  • le réemploi ou l’orientation vers le recyclage à hauteur d’au moins 70% des déchets produits sur les chantiers à l’horizon 2020 ;
  • la mise en place par les collectivités d’un tri à la source des déchets alimentaires ;
  • l’obligation pour les collectivités et les administrations de s’approvisionner en papier recyclé à hauteur de 25% à partir du 1er janvier 2017 et 40% à partir du 1er janvier 2020, et de trier séparément leurs déchets ;
  • la création d’un réseau de déchetteries professionnelles du BTP d’ici le 1er janvier 2017 ;
  • l’interdiction de la mise à disposition de sacs plastiques à usage unique par les grandes surfaces mais aussi par les petits commerçants à compter du 1er janvier 2016 ;
  • l’interdiction des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique dès 2020 ;
  • la lutte contre le gaspillage alimentaire…

2. La réduction des émissions de gaz à effet de serre

Concernant les industries, sont prévues diverses mesures tendant à modifier le mix énergétique (2.1), ainsi que des dispositions portant amélioration des performances énergétiques des bâtiments et du transport (2.2).

2.1      Renouvellement du mix énergétique

L’objectif est de parvenir à des modes de production et de consommation plus raisonnable et sobre.

La loi prévoit ainsi :

  • une réduction de 30% de la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012;
  • une augmentation de la part des énergies renouvelables jusqu’à 32% de la consommation finale d’énergie et 40% de la production d’électricité en 2030 ;
  • une réduction de la part de nucléaire dans la production d’électricité à 50% à l’horizon 2025 contre près de 75%.

Pour parvenir à ces objectifs, différents plans et stratégies sont prévus, dont les deux suivants principaux :

  • la stratégie nationale bas carbone (SNBC) devra fixer, par décret et par périodes de cinq ans, les « budgets carbone» c’est-à-dire les plafonds d’émissions à ne pas dépasser – dans les différents secteurs d’activité (transports, bâtiments, industrie, agriculture). Les premiers budgets carbone porteront sur la période 2015-2018, et des révisions et éventuels ajustements seront réalisés tous les cinq ans ;
  • la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), arrêtée par décret, déterminera par étapes la trajectoire à suivre pour les différentes filières énergétiques, dans toutes leurs dimensions: amélioration de l’efficacité énergétique et économies d’énergie, soutien à l’exploitation des énergies renouvelables, sécurité d’approvisionnement..

2.2       Amélioration des performances du bâtiment et du transport

Partant du constat que le secteur du bâtiment représentait en 2012 44% de la consommation énergétique de la France, la loi prévoit trois mesures phares portant :

  • rénovation lourde de 500 000 logements par an grâce à l’octroi aux particuliers d’un crédit d’impôt égal à 30% du montant des travaux dans la limite de 8 000 euros de travaux pour une personne seule et de 16 000 euros pour un couple, d’un éco-prêt à taux zéro pouvant atteindre 30 000 euros ;
  • renforcement des performances énergétiques des nouvelles constructions afin que tous les bâtiments soient au standard « bâtiment basse consommation» (BBC) en 2050 ;
  • obligation de réaliser des travaux de rénovation énergétique lors de certains travaux importants de ravalement, toiture et d’aménagement de nouvelles piè

De même, le secteur du transport étant le premier émetteur de gaz à effet de serre en France avec 27% des émissions totales en 2011, diverses mesures concernent les collectivités, les particuliers, ainsi que les entreprises. Ainsi , à titre d’exemple :

  • les entreprises d’au moins cent salariés devront élaborer un « plan de mobilité» favorisant le recours aux transports en commun et au covoiturage ;
  • une « indemnité kilométrique vélo» , dont le montant sera fixé par décret, est institué à la charge des employeurs. Le bénéfice de cette prise en charge pourra être cumulé dans certaines conditions avec celle prévue à l’article L. 3261-2 du Code du travail et avec le remboursement de l’abonnement de transport lorsqu’il s’agit d’un « trajet de rabattement vers une gare ou une station ou lorsque le salarié réside hors du périmètre de transport urbain. » ;
  • l’Etat et les établissements publics devront opter, « dans la proportion minimale de 50% », pour des modèles « à faibles émissions » ;
  • idem pour les taxis et les loueurs de voitures, à hauteur de 10% de leur parc ;
  • le parc de bus et d’autocars français devra être renouvelé pour atteindre à l’horizon 2025 100% de véhicules à faible émission ;
  • un nouveau bonus de 10 000 euros est prévue depuis le 1er avril 2015 pour les particuliers pour tout achat d’une voiture électrique avec mise au rebut d’un véhicule polluant.

Très ambitieuse, la loi pose un jalon important dans la lutte contre le changement climatique, et devrait impacter les industries, principalement composées d’installations classées pour la protection de l’environnement. Certaines mesures de la loi – telles que la rénovation énergétique des bâtiments et le développement des transports propres – sont applicables immédiatement, d’autres entreront en vigueur au 1er janvier 2016, et d’autres enfin nécessitent la publication de décrets ou d’ordonnances annoncés pour le premier trimestre 2016. A suivre…

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