Actualité en matière de session d’un immeuble situé sur un site pollué

Les enjeux de la maîtrise d'ouvrage

L’actualité en matière de cession d’un bien situé sur un terrain pollué doit interpeller les acteurs de l’immobilier[1]

Et ce d’autant plus que la base de données BASIAS, qui constitue l’inventaire des anciens sites industriels et activités de service pouvant être à l’origine de pollutions des sols, recense approximativement 300.000 à 400.000 sites potentiellement pollués, dont certains sont à l’état de friche (soit approximativement 100.000 hectares)[2].

Les arrêts récents rappellent que la cession d’un bien immobilier localisé sur un site pollué est un sujet sensible pour les divers intervenants de l’opération d’acquisition immobilière (vendeur, acquéreur, commercialisateur, notaire, technicien), engendrant des risques notamment de résolution de l’acte de vente. La responsabilité pesant sur chaque protagoniste pouvant en effet être engagée sur divers fondements :

– le vendeur sur le fondement du dol et ainsi, risque de devoir indemniser l’acquéreur du préjudice subi et dans le pire des cas de récupérer le bien vendu (…) ;

– le représentant de l’acquéreur, peut quant à lui engager son groupe dans un contentieux long et coûteux en ayant son chantier bloqué ;

– le commercialisateur tout comme le notaire pour défaut de conseil.

Pour être complet sur le sujet de la responsabilité, rappelons qu’en cas de pollution des sols ou de risques de pollution des sols, la loi ALUR[3] permet au préfet, après mise en demeure infructueuse du responsable de la pollution, de faire exécuter des travaux de dépollution aux frais du « responsable ».

Cette notion de « responsable » est pour la première fois définie par le législateur[4]. Par ordre de priorité, il s’agit :

  • Pour les sols dont la pollution a pour origine une activité mentionnée à l’article  165-2[5], une ICPE[6] ou une installation nucléaire de base, le dernier exploitant de l’installation à l’origine de la pollution des sols, ou la personne désignée aux articles L. 512-21 et L. 556-1[7], chacun pour ses obligations respectives. Pour les sols pollués par une autre origine, le producteur des déchets qui a contribué à l’origine de la pollution des sols ou le détenteur des déchets dont la faute y a contribué ;
  • A titre subsidiaire, en l’absence de responsable au titre du 1°, le propriétaire de l’assise foncière des sols pollués par une activité ou des déchets tels que mentionnés au 1°, s’il est démontré qu’il a fait preuve de négligence ou qu’il n’est pas étranger à cette pollution.

Aussi, afin de sécuriser juridiquement et financièrement l’opération, une stratégie doit être menée et un process combiné juridique et technique mis en place très tôt dans la timeline d’acquisition.

Un process à respecter lors de l’acquisition d’un immeuble situé sur un terrain pollué

Ainsi, dès le moment de l’offre et de manière plus détaillée dans la promesse de vente, il sera nécessaire de prévoir :

  • Soit une condition suspensive au seul bénéfice de l’acquéreur prévoyant que l’acquisition ne pourra avoir lieu que si la documentation ne révèle pas de pollution ;
  • Soit une stipulation par laquelle les parties devront s’être mises d’accord sur une convention au titre de la gestion de l’état environnemental du terrain, avant la signature de toute promesse de vente et d’acte de vente, en cas de pollution avérée.

La phase d’audit devra être effectuée de manière collaborative entre les conseils juristes et les techniciens de l’environnement et de la construction.

L’objectif est d’avoir une connaissance précise de la pollution du terrain (nature et emplacement), de vérifier la compatibilité sanitaire du terrain avec l’opération projetée et le coût engendré de dépollution afin de dresser et négocier la convention de gestion de l’état environnemental. Pour le promoteur acquéreur, il s’agit de bien appréhender son projet final et d’estimer corrélativement son coût de dépollution afin de le négocier avec le propriétaire vendeur.

Les conseils juristes devront particulièrement s’attacher à :

(i) consulter :

  • Les anciens titres de propriété et les baux ;
  • Les bases de données BASIAS[8] et BASOL[9];
  • Les bases de données des installations classées soumises à autorisation ou enregistrement du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire par l’intermédiaire des DREAL[10];
  • La base de données GEORISQUES;
  • Et d’analyser également l’ERNMT[11].

Il convient de noter que la base de données des secteurs d’information sur les sols ou SIS[12], tout comme la « carte des anciens sites industriels et activités de services » (CASIAS) crées par la loi ALUR sont en cours de mise en place[13].

(ii) analyser toutes les études environnementales effectuées sur le terrain par exemple le diagnostic initial, l’étude historique, l’évaluation simplifiée des risques et classement du site suivant la méthode nationale du guide « Gestion des sites (potentiellement » pollués »), et tout diagnostic environnemental complémentaire.

Ainsi, les résultats des investigations pourront être retranscrits de manière très précise et transparente dans les actes à régulariser et la convention des parties au titre de la gestion de l’état environnemental du terrain pourra être calibrée. L’idée est de répondre à la question : qui prend quoi en charge ?

Point majeur pour sécuriser la transaction immobilière, la convention des parties au titre de la gestion de l’état environnemental du terrain devra bien entendu viser de manière détaillée et précise les engagements réciproques des parties postérieurement à la transaction immobilière.

[1] Arrêt Cass. 3e civ. 29 juin 2017 n°16-18087 à propos d’une cession d’un immeuble dans lequel était exploité un garage automobile et sous lequel était enterrées des cuves contenant des hydrocarbures et des métaux lourds, rendant la dépollution nécessaire et plus récemment arrêt CA Douai 21 septembre 2017 n°16/05014 concernant la cession d’un terrain pollué aux métaux lourds et hydrocarbures et qui a retenu la résolution de la vente du fait d’un vice caché, ordonné les restitutions et condamné le vendeur à des dommages et intérêts.

[2] Données de l’ADEME mises à jour au 08/06/2017

[3] Du 24 mars 2014, loi n°2014-366 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR »

[4] L.556-3 du Code de l’environnement

[5] Du Code de l’environnement

[6] Installation classée pour la protection de l’environnement

[7] Du Code de l’environnement

[8] Base des anciens sites industriels et activités de services

[9] Base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif.

[10] Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement

[11] L’état des risques naturels miniers et technologiques

[12] L’article L.125-6 (I à III) du code de l’environnement introduit ainsi la notion de « secteurs d’information sur les sols » (SIS).

[13] La liste des SIS est arrêtée par le préfet de département entre le 1er janvier 2016 et le 1 er janvier 2019, après avoir recueilli l’avis des maires et des présidents des EPCI compétents en matière d’urbanisme ainsi que des propriétaires. Élaborés par l’État, ces secteurs recouvrent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. En outre, l’État reporte dans un système d’information géographique, au regard des informations dont il dispose, une « carte des anciens sites industriels et activités de services » (CASIAS) conformément au IV de l’article L.125-6. du Code de l’environnement.

Sarah Lugan et Sandra Barbosa
Avocats
NMW DELORMEAU