L’obligation de sécurité et de résultat au centre de la relation de travail

Marie-Pierre Maître
Avocat Associé-Gérant
SELARL HUGLO – LEPAGE & ASSOCIÉS
Intervenante pour les formations « Réglementation santé et sécurité » :
– Niveau 1 : les 24 et 25 septembre 2012 à Paris
– Niveau 2 : les 17 et 18 décembre 2012 à Paris

Depuis les fameux arrêts « amiante »[1], l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur est une obligation de résultat, ce qui implique l’engagement de sa responsabilité civile dès lors qu’il « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

Ces dix dernières années ont été marquées par une évolution de cette définition ; c’est ce que nous démontre l’analyse de la jurisprudence.

Sur l’engagement de la responsabilité de l’employeur en présence ou en l’absence d’AT

La jurisprudence est constante en cas de chute du salarié en l’absence de rampe : le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat est caractérisé, même lorsque la hauteur est faible (73 centimètres) (Cass. Civ 2e, 22 janvier 2009, n°07-21.222). Dans une récente espèce, la Cour a estimé que, suite à la chute d’un salarié qui ne portait pas de casque de sécurité, l’employeur avait commis une faute en ne veillant pas à ce que ses ouvriers, qui travaillaient à une hauteur de plus de trois mètres, emportent et utilisent les dispositifs obligatoires de sécurité sur le chantier dont il connaissait les risques. (Cass. Civ 2e 16 décembre 2011, n°10-26.704)
La Cour est même allée plus loin en considérant que la responsabilité de l’employeur est engagée dès lors que celui-ci manque à une obligation de sécurité, même lorsque aucun accident de travail n’est constaté. (Cass.soc, 30 novembre 2010, n°08-70.390)

Sur l’engagement de la responsabilité de l’employeur en cas de harcèlement moral subi par le salarié

C’est dans ce domaine que la jurisprudence est la plus évolutive. Elle tend en effet à reconnaître désormais la faute inexcusable de l’employeur même lorsque ce dernier a pris les mesures nécessaires pour faire cesser le comportement dangereux. Dans une récente affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que le fait que le salarié ait subi un harcèlement moral démontre que l’employeur n’a pas rempli son obligation de sécurité de résultat. Elle estime en outre, que le fait pour l’employeur d’avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble est indifférent à l’engagement de sa responsabilité. (Cass. Soc, 19 oct. 2011, n°09-68.272). Ainsi, alors même que la situation de harcèlement moral est difficilement décelable, la jurisprudence adopte une logique de prévention des risques et contraint l’employeur à agir le plus en amont possible.

Sur l’obligation de sécurité de résultat

La jurisprudence reconnaît habituellement que la faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque le salarié est exposé, à l’occasion de son travail, à des produits dangereux (Cass. Civ 2e, 8 mars 2005, n°02-30.998, Sté Rhodia organique c/ Vialon et autres). Il a été jugé récemment que cette faute est également caractérisée, même en l’absence de preuve de l’exposition du salarié au produit dangereux (en l’espèce, l’amiante), dès lors qu’il est démontré que des équipements contenant un tel produit étaient utilisés dans l’entreprise (Cass. Civ. 2e, 12 mai 2011, n°10-17.231).

Sur le renversement de la charge de la preuve

En matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la jurisprudence estimait qu’il appartenait au salarié de rapporter la preuve de faits suffisamment graves imputables à l’employeur pour justifier l’absence de cause réelle et sérieuse. Un arrêt de la chambre sociale vient renverser la charge de la preuve. Désormais, lorsqu’un salarié victime d’un AT invoque à l’appui de sa prise d’acte une inobservation par l’employeur des règles de sécurité, il incombe alors à l’employeur de démontrer que la survenance de l’accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat. (Cass. Soc, 12 janvier 2011)

Sur l’exonération de responsabilité : la force majeure appréciée strictement

L’obligation de sécurité de l’employeur étant une obligation de résultat, seule la force majeure caractérisée par un événement imprévisible et irrésistible est susceptible d’exonérer le chef d’entreprise de sa responsabilité civile. Or, la jurisprudence apprécie strictement les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité : la chambre sociale de la Cour de cassation a, à ce titre, estimé que l’agression commise par l’épouse de l’employeur sur une salariée ne présentait pas les caractères de la force majeure. L’employeur ne peut de ce fait s’exonérer de sa responsabilité sans faute, engagée au titre de son obligation de sécurité de résultat. (Cass. Soc, 4 avril 2012, n°11-10.570)


[1] Cass.soc 28 février 2002, n°s 99-17.201., 00-13.181, 00-13.174, 00-13.175…

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