Énergies marines : quelles perspectives de développement commercial ?

Antoine DECOUT
Chargé de mission
Eolien Offshore, Energies Marines, Hydroélectricité et Solaire Thermodynamique
SYNDICAT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Rédaction Analyses Experts : pouvez-vous nous rappeler les principales formes d’énergies renouvelables marines actuellement en développement ?

Antoine Decout : les énergies marines regroupent principalement cinq types de technologies, chacune exploitant un flux énergétique différent ; on  recense ainsi :
l’énergie éolienne en mer (posé et flottant), qui repose sur l’exploitation du vent au large, qui présente l’avantage d’être plus fort et moins variable qu’à terre
l’énergie hydrolienne, qui tire parti des courants marins, fortement prédictible
l’énergie houlomotrice, qui réside dans l’énergie cinétique des vagues et de la houle
l’énergie thermique des mers, issue des gradients de température entre la surface et les profondeurs dans des zones où celui-ci est important

Rédaction Analyses Experts : quels sont les objectifs nationaux de production d’énergie par ses ressources ? Où en sont les projets de démonstration ?

Antoine Decout : la France s’est engagée auprès de l’Union Européenne, dans le cadre du « Paquet Energie-Climat », à atteindre 23% d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie en 2020. Dans cette optique, la Programmation Pluriannuelle des Investissements (PPI) pour la période 2009-2020 décline, filière par filière, des objectifs d’installation à 2020. Pour l’éolien en mer, cet objectif a été fixé à 6 000 MW. Le fort potentiel des autres énergies marines est cité dans la PPI, mais il n’est pas assorti d’un objectif pour 2020. Néanmoins, la prochaine révision de la PPI, prévue à l’issue du Débat National sur la Transition Energétique, pourrait revenir sur ce point, compte tenu des développements récents des différentes technologies EMR.

Parmi celles-ci, l’hydrolien est la plus avancée : de multiples démonstrateurs sont en cours de tests, en France (sur le site d’essai de France Énergies Marines à Paimpol), mais aussi à l’étranger (en Ecosse notamment). Les acteurs français sont bien positionnés, aussi bien du côté des énergéticiens (EDF Energies Nouvelles, GDF SUEZ, etc.) que des industriels (Alstom, DCNS, Sabella, etc.). Le potentiel français en la matière est le deuxième plus important d’Europe, derrière le Royaume-Uni.

L’éolien flottant est l’autre technologie qui se rapproche du stade du déploiement commercial : plusieurs projets de démonstrateurs devraient voir le jour en France en 2014.

Le houlomoteur, bien qu’à un stade de maturité plus faible, fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches très prometteuses compte tenu du potentiel considérable que représente cette technologie.

Enfin, Énergie Thermique des Mers (ETM), est destinée aux zones dans lesquelles les différentiels de température entre la surface et les profondeurs sont importants – et donc plutôt en zone tropicale, en Outre-Mer pour la France. Plusieurs projets de démonstration sont en cours notamment en Martinique et à la Réunion.

Rédaction Analyses Experts  : quels axes de progrès technologiques, économiques, réglementaires sont nécessaires pour entrer dans une réelle phase de développement commercial ? A quelles échéances ?

Antoine Decout : les différentes technologies ne sont pas toutes au même stade de maturité.
L’éolien en mer, dans sa forme posée, est entré dans la phase du déploiement commercial : en France, deux appels d’offres ont été lancés en 2011 et 2013, et les premiers parcs devraient être mis en service à partir de 2018. Désormais, les professionnels attendent que l’ État s’engage sur un plan de déploiement au-delà de 2020, en fixant de nouveaux objectifs pour 2025, puis 2030. De nouveaux projets viendront ainsi consolider puis accélérer le développement de la filière industrielle en cours de création. Pour cela, il faudra également que le cadre administratif, réglementaire et législatif, particulièrement lourd aujourd’hui, soit adapté de façon à réduire les délais de réalisation des parcs. Le SER estime ainsi qu’il est possible d’atteindre un objectif de 15 000 MW d’éolien posé en 2030. L’éolien flottant, quant à lui, une fois la phase de démonstration achevée, viendra compléter le panel des solutions techniques au service de la filière, et ainsi accroître son potentiel dans le courant de la décennie 2020-2030.

Les technologies hydroliennes sont à mi-chemin entre la phase de démonstration, et celle du déploiement commercial. S’il demeure encore des besoins en termes de démonstration – auxquels répondra le prochain AMI « Briques Technologiques » lancé par l’ADEME le 13 mai dernier – il est désormais nécessaire de démontrer la fiabilité technique et la viabilité financière d’un parc composé de quelques machines. Cela doit se faire dans des conditions réelles d’exploitation et sur les sites potentiellement propices à l’implantation de parcs commerciaux, afin de commencer à lever une partie des risques associés (connaissance des caractéristiques du site, suivi environnemental, acceptabilité…). Les exploitants, associés à des industriels, ont donc besoin de développer des fermes pilotes d’un niveau significatif de puissance, de façon à tester et valider leurs modèles d’installation, d’exploitation et de maintenance sur une échelle acceptable de quelques machines d’une même technologie. Ces fermes pilotes permettront également aux opérateurs maritimes, qui accompagnent industriels et énergéticiens dans le développement de cette filière, de consolider la nature, le volume et les techniques d’emploi des moyens maritimes nécessaires à l’installation des parcs ainsi qu’à leur exploitation dans des zones à fortes contraintes.
Les premières fermes pilotes devraient voir le jour d’ici à 2016, selon les recommandations formulées par les professionnels du SER, pour ne pas perdre de temps vis-à-vis de la concurrence internationale en la matière.

Enfin, le houlomoteur et l’énergie thermique des mers, encore en cours de démonstration, continueront de progresser sur leur courbe d’apprentissage dans les prochaines années et pourraient parvenir au stade commercial dans le courant de la décennie 2020-2030.

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