Luc Pakula
Chef de projets Dossiers réglementaires, Audit et Conseil – France – ANTEA GROUP
Intervenant EFE de la formation « Bilan de fonctionnement d’une ICPE » les 1 et 2 avril 2014 à Paris
Rédaction Analyses Experts : La transposition de la directive IED a constitué un événement important de l’année 2013 pour les sites soumis à la réglementation des Installations Classées. Quels en sont les points majeurs ?
Luc Pakula : La transposition de la directive IED (directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux Emissions Industrielles) a été finalisée le 2 mai 2013. Elle a engendré la création d’une toute nouvelle section du code de l’environnement dédiée entièrement à la gestion des installations classées soumises au régime IED : la section 8 du chapitre V, Titre I, livre V relatif à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances (articles R.515-58 à R.515-84). Afin d’identifier facilement les installations et activités concernées par ce régime, la nomenclature des installations classées a été modifiée, avec l’introduction de rubriques 3000.
Seules les installations et activités au moins soumises à autorisation sont concernées. La demande d’autorisation d’exploiter s’en trouve complétée par l’obligation d’examen de la conformité aux meilleures techniques disponibles (MTD) en matière de procédé et de maîtrise ou traitement des émissions pour l’activité prévue ou exercée, ainsi que par la réalisation d’une analyse très précise de la situation vis-à-vis des risques de pollution des sols et des eaux souterraines.
Rédaction Analyses Experts : Ces nouveautés constituent donc une évolution par rapport à la directive IPPC ?
Luc Pakula : Effectivement, mais il s’agit plus d’une évolution sur certains points, qu’une révolution des fondamentaux. Par nature, la directive IPPC présente un champ d’application plus étendu que la directive 2008/1/CE dite IPPC dont elle est le successeur, puisqu’elle recouvre le périmètre de 6 autres directives dont l’objectif était identique. L’évolution la plus importante au quotidien pour les exploitants est que les niveaux d’émission associés aux MTD passent d’un statut de guide à un statut de valeur réglementaire, avec parfois des seuils drastiquement revus à la baisse. Ce qui incontestablement peut poser un problème d’adaptation à ces nouvelles valeurs, notamment lorsque les équipements ou procédés sont anciens, ou dimensionnés pour répondre spécifiquement à des valeurs fixes.
A contrario, le principe de suivi périodique des sites et de leurs émissions reste quasiment identique dans son contenu technique : le contenu du « bilan de fonctionnement décennal » de l’IPPC se retrouve, pour les installations déjà IPPC, dans le « dossier de réexamen », ou , pour les installations non IPPC nouvellement IED dans le « dossier de mise en conformité ». La différence est que la périodicité de réalisation du dossier de réexamen n’est plus décennale, mais est calée sur la période de révision des MTD de l’activité principale du site. Il est prévu de réexaminer périodiquement les MTD (cycle a priori de 8 ans).
Mais en l’absence d’évolution majeure constatée dans les pratiques ou les technologies, un réexamen ne donnera pas forcément lieu à la révision des MTD, donc à un nouveau dossier. La périodicité du « bilan » version IED peut donc s’en trouver rallongée. Par contre chaque modification substantielle des conditions d’exploitation d’une installation IED nécessitera toujours le réexamen de ces MTD comme pour l’IPPC, même si elles n’ont pas évolué.
Le dernier point est l’enrichissement du bilan de fonctionnement IPPC par le fameux « rapport de base ». Il s’agit de qualifier l’état de pollution des sols et de l’eau d’un site à l’instant T de rédaction du rapport de réexamen, du dossier de mise en conformité, ou du dossier de demande d’autorisation. Il a pour vocation d’agréger une photographie de l’état actuel du site, avec son éventuel passif environnemental, et une étude prospective sur les risques de pollution encourus du fait de l’utilisation, le stockage ou la production de substances potentiellement polluantes liées à l’activité IED. Ce rapport deviendra la référence de comparaison pour les études de pollution ultérieures (cas d’une demande d’extension ou du suivi d’un sinistre par exemple), et surtout pour la comparaison avec le diagnostic exigé dans le cadre de la cessation d’activité du site en fin de vie.
Une mauvaise connaissance de l’état de pollution de son site, du fait de l’activité elle-même ou d’un passif environnemental historique, peut être lourd de conséquences, notamment financières, pour l’exploitant lors de cette dernière étape.
Rédaction Analyses Experts : Peut-on dire de ce fait que la gestion d’un éventuel passif environnemental d’un site devient un élément important et totalement intégré de la vie de celui-ci, et plus seulement une problématique de « fin de vie » ?
Luc Pakula : Tout à fait. D’ailleurs il est fortement conseillé de s’intéresser à cette problématique très en amont, des étapes réglementaires clés exigeant un diagnostic de pollution des sols et des eaux souterraines.
Actuellement, trois cas réglementaires nécessitent la réalisation d’un diagnostic de pollution d’un site : la création ou la modification substantielle d’une activité IED, comme nous venons de le voir, la soumission d’une activité ICPE, répondant au régime d’autorisation préfectorale, à la constitution de garanties financières, même si elle n’est pas IED (article R.516-1 du code de l’environnement), et enfin la cessation d’activité. S’intéresser à cette thématique uniquement lorsque ces trois situations se présentent est presque déjà trop tard. Avec les juristes et avocats avec qui nous collaborons régulièrement, nous préconisons d’envisager ce type de diagnostic dès que l’on envisage d’acquérir un site, déjà industrialisé ou non. Car même des terrains à usage jusqu’ici agricoles sont susceptibles de présenter une pollution qui pourrait être ultérieurement imputée à l’activité industrielle, en l’absence de possibilité de démontrer le contraire. Cela peut-être une démarche de sécurisation d’opération dans un cadre juridique précis (due-diligence ou cession acquisition par exemple) ou une démarche volontaire d’un exploitant pour se prémunir de toute mise en cause ultérieure. Une manière de préparer sereinement l’avenir d’un site en somme.
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