Sites et sols pollués : la loi ALUR facilite la valorisation du foncier

photo P Savin (PS)Patricia Savin
Avocate associée, Docteur en droit, Cabinet DS AVOCATS
Intervenante EFE à la conférence « Valorisation des sols pollués, comment procéder depuis la loi ALUR » des 7 et 8 octobre 2015 à Paris

La reconversion des sites pollués est plus que jamais d’actualité : érosion de la biodiversité, lutte contre l’étalement urbain, politique de densification… autant d’objectifs souhaités qui nécessitent des outils juridiques facilitateurs.

C’est dans ce contexte que fut introduit à la la loi dite ALUR un article 173 La reconversion des terrains pollués  devrait ainsi connaître un nouvel essor, via notamment l’introduction de l’article L.512-21 du Code de l’environnement, relatif au nouveau statut de tiers intéressé, également dénommé tiers demandeur.

Dans le cadre d’une mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), cet article permet à un tiers autorisé par le préfet de se substituer au dernier exploitant (avec l’accord de ce dernier) dans la réalisation des travaux de réhabilitation. Ainsi, tout tiers – doté de capacités techniques et pouvant justifier de garanties financières suffisantes – peut demander à être l’interlocuteur de l’administration et réaliser les travaux de réhabilitation requis, en lieu et place de l’industriel qui a cessé son activité. Par cette substitution souhaitée entre le tiers demandeur et l’industriel, chaque partie y trouve son compte : le tiers demandeur entend réaliser plus rapidement ses opérations immobilières sur des terrains pollués ; l’industriel transfère ses obligations administratives sur un tiers sachant.

Le projet de décret d’application de l’article L.512-21 du Code de l’environnement, dans sa version soumise à consultation par le MEDDE, le 20 novembre 2014, puis le 24 mars 2015 au Conseil supérieur de prévention des risques technologiques, apporte des précisions importantes à relever, dont les six principales sont celles ci-après mentionnées.

Le projet d’article R.512-76 I du Code de l’environnement précise que la substitution peut être opérée sur « tout ou partie d’un terrain ». Cette disposition est essentielle en ce que – en permettant une divisibilité du foncier d’assise d’une ICPE – les cas de recours au mécanisme du tiers demandeur s’en trouvent optimisés, évitant ainsi le maintien de zones de friches industrielles qui seraient la conséquence d’une non divisibilité.

  • Le projet d’article R.512-76 I du Code de l’environnement précise que la substitution peut être opérée sur « tout ou partie d’un terrain ». Cette disposition est essentielle en ce que – en permettant une divisibilité du foncier d’assise d’une ICPE – les cas de recours au mécanisme du tiers demandeur s’en trouvent optimisés, évitant ainsi le maintien de zones de friches industrielles qui seraient la conséquence d’une non divisibilité.
  • Dans sa dernière version, le projet d’article R.512-78 III du Code de l’environnement prévoit, la possibilité pour le dernier exploitant de préciser les modalités de surveillance qu’il souhaite garder à sa charge lors de la remise en état du site. L’exploitant peut donc faire le choix de conserver une certaine maîtrise de ces opérations dont il reste en dernier lieu responsable, en cas de prise en charge de la dépollution par un tiers demandeur,
  • Alors que la version initiale du projet d’article R.512-78 VI du Code de l’environnement, soumis à la consultation le 20 novembre 2014, disposait, dans l’hypothèse d’un défaut de maîtrise foncière, que le tiers demandeur pouvait demander le retrait de l’arrêté préfectoral de travaux; la version présentée en CSPRT prévoit qu’au-delà d’un certain délai prévu par le préfet, l’arrêté de travaux devient caduc lorsque le tiers demandeur ne lui a pas communiqué une attestation de maîtrise foncière du terrain. Cette notion de caducité semble opportune dans la mesure où elle permet d’éviter la possibilité d’un refus du préfet à procéder au retrait de son arrêté.
  • Le projet d’article R.512-79 du Code de l’environnement prévoit d’étendre le mécanisme du tiers demandeur à l’hypothèse de « disparition du dernier exploitant ». Cette disposition est importante pour gérer les friches industrielles abandonnées.
  • Le projet d’article R.512-80 du Code de l’environnement précise que les garanties financières  à produire peuvent être présentées pour couvrir – non pas l’ensemble de la réhabilitation – mais tranche par tranche lorsque cela est envisagé. Cette approche opérationnelle est essentielle, à défaut de quoi les tiers demandeurs risqueraient d’avoir énormément de difficulté à trouver les garanties financières idoines.
  • Le projet d’article R.512-82 du Code de l’environnement dispose qu’en cas de défaillance du tiers demandeur et impossibilité de mettre en œuvre les garanties financières, le dernier exploitant redevient responsable de la réhabilitation. Il serait alors utile de faire préciser que le niveau de réhabilitation à atteindre n’est pas nécessairement celui négocié avec le tiers demandeur, mais le niveau légalement requis de tout dernier exploitant d’ICPE.

Au-delà de ces dispositions spécifiques sur le tiers demandeur, la loi ALUR apporte de nombreuses autres nouveautés essentielles et structurantes de l’activité des foncières, des promoteurs et des aménageurs, dont la clarification d’une hiérarchie des responsabilités. Ces textes tendent à intégrer l’opérationnalité requise dans la gestion des sols pollués, au vu des meilleures pratiques en la matière, et ce faisant, permettent une meilleure visibilité et donc sécurité juridique recherchée par l’ensemble des parties prenantes.

L’année de la COP 21, de la transition énergétique, de la loi biodiversité, la politique nationale des sites et sols pollués devrait ainsi trouver un nouvel essor salutaire dont l’ensemble des parties prenantes pourront se saisir.

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