Le cadre juridique de l’autoconsommation d’électricité : où en sommes nous ?

electricity

Carl EnckellCarl Enckell
Avocat Associé
ENCKELL AVOCATS
Intervenant EFE à la conférence « Énergies renouvelables » mardi 28 juin 2016 à Paris

Libéralisation du marché de l’électricité

La directive européenne du 13 juillet 2009 (n° 2009/72/CE) a pour objectif de construire un « marché intérieur de l’énergie » à l’échelle de l’Union européenne. Elle implique de faire évoluer les marchés nationaux, fonctionnant indépendamment les uns des autres, vers un seul marché européen intégré.

Pour y parvenir, la directive organise l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie en prévoyant, pour les consommateurs, le libre choix du fournisseur et, pour les producteurs, la liberté d’établissement.

En France, les directives européennes relatives à l’électricité ont été transposées par plusieurs lois[1]. Ainsi, le marché s’est tout d’abord ouvert à la concurrence pour les industriels puis, progressivement, pour l’ensemble des consommateurs. Depuis le 1er juillet 2007, les marchés de l’électricité et du gaz sont ouverts à la concurrence pour l’ensemble des clients.

La filière photovoltaïque

En France, la quasi-totalité de la production photovoltaïque est achetée à un tarif contractuel par un acheteur obligé (Électricité de France, dit EDF, et les Entreprises locales de Distribution, dites ELD) au titre de l’obligation d’achat[2]. L’acheteur obligé peut utiliser l’énergie dans son périmètre d’équilibre ou la revendre sur les marchés. En fonction de la puissance, le tarif contractuel est fixé par arrêté ou par appel d’offre.

A ce titre, la filière doit faire face à des enjeux tels que l’absence globale de parité réseau, la fluctuation des politiques publiques et des dispositifs de soutien financier à la filière ou encore les contraintes techniques et financières induites par le raccordement au réseau public de transport et/ou de distribution.

Parallèlement à ce schéma principal de valorisation de l’énergie photovoltaïque, soutenue par les politiques publiques par le biais de l’obligation d’achat et des appels d’offres, un marché de l’électrification locale se développe. Plus restreint mais en phase de croissance, ce secteur est distinct de développement la filière photovoltaïque.

Les pratiques dites « d’autoconsommation » ou « d’autoproduction »

Les pratiques dites « d’autoconsommation » ou « d’autoproduction » regroupent plusieurs modèles économiques dans lesquels le consommateur utilise directement tout ou partie de l’énergie qu’il produit et/ou qui est produite sur le site.

On observe aussi bien des cas purement autarcique (exemple des sites isolés non raccordés au réseau public d’électricité), que des schémas dans lesquels plusieurs entités (un producteur, un distributeur et des consommateurs) interviennent sur un même site (bâtiment mais aussi quartier).

Ces pratiques sont cependant très peu encadrées par la loi ou le règlement. En effet, l’essentiel des dispositions législatives et règlementaires s’intéressent principalement à l’organisation du réseau public de transport et de distribution d’électricité, au respect du principe de libre concurrence parmi les producteurs et les fournisseurs d’électricité, ou encore aux objectifs en matière de transition énergétique.

Les modèles d’autoconsommation bénéficient autant qu’ils souffrent du vide juridique qui entoure ce type d’activités de production et de consommation d’électricité.

Un rapport sur l’autoconsommation et l’autoproduction d’électricité renouvelable a été publié en décembre 2014 par la Direction générale de l’énergie et du climat du Ministère de l’environnement. Il dresse un bilan des pratiques existantes et formule de nombreuses préconisations et recommandations, appelant notamment à une clarification législative et règlementaire du statut, de la définition et du régime de l’autoconsommation/autoproduction.

Cette recommandation été entendue par le législateur.  En effet, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte aborde explicitement  la notion d’autoconsommation et prévoit que le gouvernement prenne une ordonnance pour définir le régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation, les conditions d’assujettissement de ces installations au tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité et le recours à des expérimentations (art 119).

Cette ordonnance doit être prochainement publiée. Elle permettra sans doute de distinguer l’autoproduction de l’autoconsommation et d’encadrer les enjeux sous-jacents de commercialisation de proximité, vente directe d’énergie, réseau fermés et raccordement indirects au réseau de distribution… La jurisprudence de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat ont d’ores et déjà validé un certain nombre de pratiques innovantes.

[1] Loi n° 2000-108 du 10 février 2000, et la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, modifiées par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 et par la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, désormais codifiées dans le code de l’énergie.

[2] Article 10 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

Laisser un commentaire