Vente directe d’électricité, complément de rémunération, cadre réglementaire : quelles conséquences pour les projets et installation renouvelables ?

panneausolaire

glGaël Levesque
Associé
ADENFI
Intervenant EFE à la conférence « Énergies renouvelables« , mardi 28 juin 2016 à Paris

La Rédaction Analyses Experts : Dans le cadre de votre activité vous intervenez à différents niveaux d’un projet (technique, contractuel, financier) : quel regard portez-vous sur le cadre actuel de développement de l’électricité d’origine renouvelable ?

Gaël Levesque : Du point de vue technique, nous observons une amélioration croissante du rendement des technologies auditées. Certains fournisseurs de panneaux photovoltaïques affichent désormais une efficacité aux STC de 20% (contre une moyenne de 14% il y a quelques années), même constat pour les fabricants  d’éoliennes qui proposent des gammes de turbine plus puissantes et plus performantes. Les enjeux techniques de demain seront essentiellement axés sur des problématiques réseaux et d’évolution du marché. Ces deux facteurs amèneront à développer plus largement des solutions de stockage, de lissage et de prévision de la production déjà abordées dans les appels d’offres CRE en ZNI (zones non interconnectées au réseau). Enfin, la construction dans les années à venir des grands parcs éoliens offshore lauréats de l’appel d’offre contribuera clairement à l’augmentation de la production d’électricité d’origine renouvelable dans le mix énergétique français, bien qu’il y ait quelques difficultés avec les groupements actuels.

Le constat sous l’angle financier est plus contrasté. Malgré une baisse du prix des équipements, la rentabilité des projets d’énergie diminue notamment à cause de la baisse progressive des tarifs d’obligation d’achat. La majorité des projets se finance aujourd’hui à l’aide d’un montage en financement de projet faisant appel aux établissements bancaires qui prêtent environ 80% du montant du projet. Nous observons une concurrence forte entre banques Françaises et Européennes pour le financement de ces projets démontrant ainsi que le nombre d’opérations à financer est assez faible par rapport à l’offre bancaire proposée. Le constat est le même pour les investisseurs, avec une limitation des opérations d’acquisition.

Le contexte politique et règlementaire présente quant à lui des indicateurs assez favorables pour le développement des projets d’énergie renouvelable. En effet, la COP 21 a donné un nouveau cadre et une nouvelle prise de conscience des enjeux énergétiques mondiaux mettant en avant la production d’électricité décarbonée. En France certaines procédures administratives ont été assouplies pour permettre le développement plus facile et plus rapide des projets. L’arrêté du 24 avril 2016 définit clairement les objectifs de développement de l’électricité renouvelable en doublant les puissances installées à horizon 2018 / 2023 sur la plupart des filières. Même si ces mesures convergent vers un développement de ces énergies, les différents acteurs du marché restent en attente de précisions du cadre règlementaire sur des sujets comme le complément de rémunération, le PPE ou l’autoconsommation.

Le cadre actuel et à venir indique une véritable prise de conscience des enjeux énergétiques à moyen et long terme, bien que les valeurs financières du pétrole et de l’électron soient historiquement basses. Malgré la persistance de certaines associations, l’importance de la solution apportée par les énergies renouvelables est admise par l’ensemble des corps scientifiques et politiques.

La Rédaction Analyses Experts : La vente directe sur le marché de l’électricité produite et le complément de rémunération viennent remplacer le mécanisme de l’obligation d’achat : quelles sont les grandes lignes de ce nouveau dispositif ?

Gaël Levesque  : Il faut tout d’abord rappeler que pour l’instant le cadre règlementaire n’est que partiellement définit et que les décrets relatifs au complément de rémunération sont en cours de publication. Cela étant dit, ce type de mécanisme est déjà utilisé en Allemagne, en Angleterre et dans d’autres pays, visant à accompagner progressivement la vente d’électricité d’origine renouvelable vers le marché libre. De par sa formule un peu barbare, les producteurs d’électricité d’origine renouvelable auront trois sources de revenus pour leur production : le complément de rémunération, la vente sur le marché spot et la vente des garanties de capacité. Le complément de rémunération composé d’une prime à l’énergie et d’une prime de gestion servira de tampon et de garantie pour garder une visibilité sur l’équilibre économique des projets.

La Rédaction Analyses Experts : Quels enjeux et quelles incidences peut-on attendre de ce nouveau dispositif pour les différents acteurs d’un projet ?

Gaël Levesque : Les enjeux, incidences et acteurs sont multiples sur cette typologie de projet. Du côté du marché spot, la structuration des acteurs appelés agrégateurs est en cours. La libéralisation du marché de l’électricité force ces acteurs à se doter d’instruments de prédiction et de modélisation financière précis. Dans le secteur bancaire, le mécanisme de complément de rémunération entraine une complexité supplémentaire dans l’analyse, l’instruction et la gestion des dossiers. L’arrivée de nouveaux acteurs comme les agrégateurs augmentera les risques d’interfaces et de contrepartie lors du financement. Il sera vraisemblablement attendu un transfert de risques (prix, volume) vers ces agrégateurs qui viendront se substituer à EDF-OA. Point clé pour que les opérations restent acceptables pour les financeurs, en particulier dans le cadre du financement de projet. Ce constat s’applique également côté développeurs pour qui le montage du projet sera plus compliqué ainsi que la détermination de la rentabilité des projets qui à ce stade est encore incertaine.

Laisser un commentaire