Qualité de l’air intérieur : de l’évolution des mesures à une amélioration de la QAI ?

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Les évolutions récentes en matière de connaissance de la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments

Depuis les années 90, nous mesurons les polluants chimiques de l’air intérieur essentiellement avec des tubes passifs, en particulier pour la surveillance réglementaire de la qualité de l’air intérieur dans les établissements recevant un public sensible (écoles, crèches).

Ces mesures passives sont cumulatives et nous donnent une valeur moyenne intégrée sur une semaine, qui est ensuite comparée aux valeurs réglementaires, lorsqu’elles existent, ou aux valeurs repères d’aide à la gestion du Haut Conseil de la santé publique ou encore aux valeurs guide d’air intérieur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

Les mesures en continu (dynamiques), que ce soit pour le dioxyde de carbone, le formaldéhyde, les composés organiques volatils, voire le dioxyde d’azote, ont révolutionné la connaissance de la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments. En effet, elles nous permettent de mieux connaître l’évolution quotidienne de la concentration en polluant, de détecter des activités émettrices de pollution chimique et/ou d’approfondir les pratiques d’aération ou de ventilation. Elles permettent aussi de mieux apprécier l’exposition réelle aux polluants lors de la présence des occupants dans les bâtiments. Il en est de même pour les comptages optiques de particules fines qui ont bénéficié des évolutions technologiques des systèmes miniaturisés de mesure.

Certes, ces mesures en continu, réalisées grâce à des analyseurs, des stations de mesure connectées ou des microcapteurs à bas coût, nécessitent de bien prendre en compte les critères d’évaluation, comme l’a récemment fait le Challenge Microcapteurs 2018 d’AIRLAB, accélérateur de solutions pour la qualité de l’air.

L’utilisation de ces systèmes de mesure en continu offre de nombreuses possibilités pour piloter et gérer la qualité de l’air dans un bâtiment, de surveiller la qualité de l’air intérieur, d’informer ou de sensibiliser les occupants en lien avec leurs activités quotidiennes, ou encore de documenter l’exposition personnelle à la pollution à des fins d’interprétation sanitaire.

Il devient aujourd’hui possible de faire le lien entre des nuisances ou gênes exprimées par les occupants et des évènements de pollution intérieure, marqués par une augmentation significative de la concentration en polluant ou des tendances évolutives des concentrations, les pratiques d’aération et le fonctionnement du système de ventilation.

Les signes d’une dégradation de la qualité de l’air intérieur ressentis par les occupants sont des symptômes oculaires, ORL ou respiratoires, des nuisances olfactives, des maux de tête, une fatigue ou un manque de concentration, un inconfort thermique. Ces symptômes sont d’autant plus marqués si la personne souffre déjà d’allergie respiratoire, d’asthme ou d’autres pathologies respiratoires ou cardiovasculaires.

Les premières personnes qui se plaignent de leur environnement dans un bâtiment devraient être considérées comme des « sentinelles de l’environnement intérieur ». Il est fondamental de prendre en compte leur mal-être ou leur malaise et de mettre en œuvre une investigation environnementale, telle que le préconise la norme AFNOR NF X 43-406 « Stratégie d’enquête environnementale suite à signalement – bâtiment à usage d’habitation, d’enseignement et de bureaux ».

 

Vers une amélioration de la qualité de l’air intérieur ?

Les travaux de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) nous ont montré, grâce à la campagne nationale Logements réalisée entre 2003 et 2005, que la qualité de l’air dans les logements était marquée par la présence de polluants multiples, à la fois chimiques, physiques et biologiques, retrouvés dans la majorité du parc de logements, par une pollution intérieure spécifique et plus forte qu’à l’extérieur et par une inégalité devant la pollution (environ 10% des logements sont multipollués). Ces mêmes résultats ont été constatés dans d’autres lieux, lors de campagnes nationales comme pour les écoles (2013-2017) ou les immeubles de bureaux (2013-2016) ou au cours de la surveillance réglementaire des écoles et des crèches.

Concernant des études récentes sur les bâtiments performants en énergie, menées par l’OQAI, les résultats montrent une évolution favorable de certains polluants (formaldéhyde, composés organiques volatils) mais une augmentation d’autres polluants liés à des matériaux à base de bois (hexaldéhyde, alpha-pinène).
Ce qui est particulier à ces bâtiments, c’est le développement plus fréquent de moisissures, en lien avec un séchage insuffisant des matériaux lors de leur pose et/ou à la réduction de la perméabilité à l’air des bâtiments. En revanche, les systèmes de ventilation mécanique double flux améliorent le renouvellement de l’air des locaux. La prochaine campagne nationale Logements 2, réalisée selon les mêmes conditions et qui débutera à la fin de l’année 2019, devrait nous apporter des informations sur les évolutions de la qualité de l’air intérieur.

Quoi qu’il en soit, les données recueillies par la surveillance réglementaire des écoles et des crèches nous fournissent déjà plusieurs enseignements. Des établissements situés à proximité de la circulation automobile et/ou construits sur un parking ont des niveaux de benzène plus élevés. Des éléments de construction et de décoration, certains mobiliers, des produits domestiques ou scolaires sont à l’origine d’émissions importantes de formaldéhyde. L’insuffisance des pratiques d’aération ou du système de ventilation conduit à des niveaux de confinement élevé. La proximité des établissements avec un pressing entraîne des niveaux plus élevés de perchloréthylène dans l’air intérieur.

Des résultats équivalents sont retrouvés lors d’enquêtes environnementales sur prescription médicale à la suite de plaintes des occupants ou de pathologies respiratoires aiguës. Il faut signaler ici le travail d’enquête, d’accompagnement et d’aide réalisé pour les personnes malades par les conseillers en environnement intérieur, présents dans de nombreuses régions.

Fabien SquinaziFabien SQUINAZI
Médecin biologiste, Ancien Directeur du Laboratoire d’hygène de la ville de Paris
Membre du Haut Conseil de la santé publique (Commission spécialisée Risques liés à l’environnement), Membre du comité scientifique de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur‌
Animateur EFE de la formation « Maîtriser la qualité de l’air intérieur », 27 et 28 juin 2019, à Paris