Tiers demandeur : le point sur le processus et les responsabilités entre les acteurs

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La Rédaction Analyses Experts : pouvez-vous nous rappeler les principes et objectifs du Tiers demandeur ?

Cédric Vilette : L’article 173 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », a créé dans le code de l’environnement l’article L. 512-21 qui permet au préfet de prescrire à un tiers qui en fait la demande les obligations de réhabilitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, en substitution du dernier exploitant.

Ce dispositif qui a pour objectif de fluidifier, faciliter et sécuriser la réhabilitation des friches industrielles, a été détaillé dans le décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 modifié et dans l’arrêté du 18 août 2015 modifié.

Il prévoit qu’un tiers demandeur souhaitant prendre en charge la réhabilitation d’un ancien site industriel, comme un aménageur, puisse, dans un souci d’efficacité et d’encadrement des coûts, diriger l’ensemble des opérations de réhabilitation depuis l’origine, plutôt que de séquencer la réhabilitation en deux temps : première réhabilitation du site pour un usage industriel par le dernier exploitant puis de nouveaux travaux pour un usage d’habitation par l’aménageur. Il s’applique également aux sites n’ayant plus d’exploitant connu et peut dans ce cas être cumulé avec des aides de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Un système de garanties financières permet de sécuriser les travaux de réhabilitation.

La Rédaction Analyses Experts : quel processus pour se porter Tiers demandeur et les points clefs associés ?

Cédric Vilette : Le décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 modifié prévoit que le Tiers demandeur adresse au Préfet de département un dossier de demande d’accord préalable comprenant l’accord écrit du dernier exploitant sur le ou les types d’usages futurs envisagés et l’étendue du transfert des obligations de réhabilitation et, le cas échéant, de surveillance, la proposition du ou des types d’usages futurs qu’il envisage et, le cas échéant, les accords sur le ou les types d’usages futurs envisagés du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas du dernier exploitant, celui du propriétaire du terrain sur lequel est située l’installation.

La substitution ne peut porter que sur les travaux de réhabilitation. La mise en service reste une obligation du dernier exploitant (toutefois, des accords de droit privé peuvent exister).

Au vu de la proposition du tiers demandeur, le préfet détermine le ou les types d’usage futur du site et fixe le délai de transmission du dossier de substitution.

Le tiers demandeur peut transmettre simultanément le dossier de demande d’accord préalable et le dossier de substitution. Dans ce cas, l’ensemble des éléments des deux dossiers doivent être joints.

Le dossier de substitution comprend un mémoire présentant l’état des sols et des eaux souterraines et les mesures de gestion de la pollution à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité entre l’état des sols et des eaux souterraines et le ou les usages futurs, une estimation du montant des travaux de réhabilitation et de la durée de ces travaux, un document présentant ses capacités techniques et financières di tiers demandeur et un document présentant la façon selon laquelle le dernier exploitant et le tiers demandeur entendent se répartir les mesures de surveillance et de gestion des pollutions dues à l’installation classée hors du site.

Lorsque le projet comprend plusieurs tranches de travaux (zone géographique), le dossier de substitution comprend également un calendrier de réalisation de chaque tranche.

Le dossier de substitution est transmis pour accord par le Préfet de département au dernier exploitant.

Le préfet statue, par arrêté préfectoral, sur la substitution en précisant les travaux à réaliser et les délais associés ainsi que le montant et la durée des garanties financières. L’arrêté préfectoral fixe également le délai dans lequel le tiers demandeur adresse au préfet l’attestation de la maîtrise foncière du terrain et l’attestation de constitution des garanties financières.

Lorsque les travaux prescrits par le préfet sont réalisés, le tiers demandeur en informe le préfet. L’inspecteur de l’environnement constate alors par procès-verbal la réalisation des travaux. Il transmet le procès-verbal au préfet qui en adresse un exemplaire au tiers demandeur, au dernier exploitant ainsi qu’au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et au propriétaire du terrain. Ce procès-verbal permet la levée des garanties financières.

La Rédaction Analyses Experts : quelles répartitions des responsabilités entre les différents acteurs (Ancien exploitant et Tiers demandeur) ?

Cédric Vilette : L’introduction d’un nouvel acteur dans les procédures de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement a nécessité de clarifier réglementairement les obligations et responsabilités.

Ainsi, les articles R. 512-39-4, R. 512-46-28 et R. 512-66-2 du code de l’environnement ont été modifié afin de préciser que le tiers demandeur est uniquement responsable de la réhabilitation qui lui a été prescrite, c’est-à-dire uniquement la réhabilitation relative à son projet.

Conformément au principe pollueur-payeur, en cas de défaillance du tiers demandeur ou en cas de découverte d’une nouvelle source de pollution susceptible de compromettre le projet initial (le tiers demandeur peut toutefois modifier son projet, sous réserve de la validation par Préfet, pour prendre en compte ces nouveaux paramètres), le dernier exploitant garde la responsabilité de la remise en état de son site tel que prévu réglementairement (c’est-à-dire, pas l’usage prévu par le tiers demandeur mais l’usage tel que défini dans l’arrêté d’autorisation ou d’enregistrement de l’installation mise à l’arrêt définitif ou, le cas échéant, pour celui défini en application des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 ou L. 512-12-1).

Le dernier exploitant, qui dispose d’un droit de veto au niveau du dossier de demande préalable et du dossier de substitution, a donc tout intérêt à s’appuyer pour formuler ses accords sur des diagnostics des milieux approfondis et exhaustifs pour clore la phase de réhabilitation.


Cédric VILETTE
Chargé de mission
Ministère de la transition écologique et solidaire, Direction Générale de la Prévention des Risques