Depuis 2014, un nouvel article du Code de l’environnement, l’article L.512-21 introduit par l’article 173 de La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ci-après « Loi ALUR »)[1], permet à tout intéressé de demander au préfet de se substituer à l’exploitant dans ses obligations de remise en état de son site industriel lors de la mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ci-après « ICPE »), et ce avec l’accord dudit exploitant. Les modalités d’application de cet article sont définies par le Décret du 18 août 2015, entré en vigueur le 21 août 2015[2].
Ce mécanisme très intéressant permet ainsi à ce tiers intéressé d’optimiser les mesures de remise en état au regard de l’usage futur auquel il destine le terrain dont il est, ou entend devenir, le propriétaire. Ce dispositif, dit du tiers demandeur ou tiers intéressé, est destiné à faciliter la réhabilitation des friches industrielles par une approche pragmatique et opérationnelle de la gestion des friches.
Ainsi, au regard de la procédure de reconversion des friches industrielles (I), ce dispositif permet d’accélérer le réaménagement de friches industrielles (II).
I. La procédure relative a la réhabilitation des friches industrielles
La méthodologie nationale de gestion des sites et sols consacrée par une Note du 19 avril 2017[3] donne un contenu précis de l’obligation de remise en état prévue par le Code de l’environnement. Ainsi, la réhabilitation est à réaliser en fonction de l’usage projeté du site, en application des démarches publiée en 2007, à savoir l’Interprétation de l’Etat des Milieux (IEM) et le Plan de Gestion.
En cas d’arrêt définitif d’une friche qui libère des terrains susceptibles d’être affectés à un nouvel usage, il convient de procéder à l’évaluation des risques de pollution grâce au schéma conceptuel, préalable à toute démarche de gestion, pour ensuite déclencher la procédure du Plan de Gestion[4]. Le Plan de Gestion est un document d’orientation visant à étudier différents scénarios de gestion d’une pollution en procédant à un bilan « coûts-avantages ».
Selon l’article L. 556-3 du Code de l’environnement, le responsable de la remise en état est l’exploitant. Ce principe est repris dans le Code de l’environnement, aux articles L. 512-6-1 pour les installations soumises à autorisation, L. 512-7-6 pour les installations soumises à enregistrement et L. 512-12-1 pour les installations soumises à déclaration. Le Conseil d’état affirme également ce principe[5].
Initialement, cette obligation de remise en état pesant sur l’exploitant était d’ordre public de sorte qu’elle n’était pas transmissible d’un point de vue administratif[6]. Ainsi, malgré le développement des relations contractuelles entre l’exploitant et un tiers chargé de réaliser les travaux, l’exploitant demeurait toujours le seul interlocuteur de l’administration.
Faire peser l’obligation de remise en état sur le dernier exploitant constituait un frein à la reconversion des friches industrielles, amenant le gel de fonciers. Il est alors apparu nécessaire de mettre en place un dispositif permettant de gérer rapidement la problématique de dépollution.
Le dispositif du tiers demandeur légalise la contractualisation entre un exploitant soumis à une obligation administrative de remise en état et un tiers intéressé. Grâce à ce dispositif, un tiers peut désormais se substituer à l’exploitant dans la réalisation des travaux et dans ses obligations eu égard à l’administration.
Deux situations de substitution sont envisageables. La substitution peut se réaliser en présence du dernier exploitant de l’ICPE, conformément à l’article R. 512-76 du Code l’environnement. Dans ce cas le tiers peut soit développer un usage futur identique à celui retenu par le dernier exploitant, soit développer un usage futur différent de celui retenu par le dernier exploitant. La substitution peut également avoir lieu alors que le dernier exploitant de l’ICPE a disparu selon l’article R. 512-79 du Code de l’environnement.
Une fois que la substitution est accordée par le préfet, ce tiers est soumis aux mêmes mesures de police que le dernier exploitant quant aux obligations de remise en état.
II. Le dispositif du tiers demandeur, outil incontournable de la loi ALUR
Dans le dispositif du tiers demandeur le préfet orchestre la réhabilitation de la friche sans que l’ancien exploitant serve d’intermédiaire de sorte que la procédure est plus rapide. De plus, ce dispositif est sécurisé par le fait que le tiers demandeur apporte des garanties.
Ainsi, dans le dispositif du tiers demandeur, l’administration occupe une place centrale durant tout le processus de reconversion d’une friche industrielle. La procédure devient alors plus rapide, conformément à l’objectif de la Loi ALUR qui est de réhabiliter dans les plus brefs délais les friches.
Conformément à l’article R. 512-76 –III. du Code de l’environnement, le tiers demandeur formule une demande d’accord préalable au préfet comprenant la proposition du type d’usage futur du site envisagé, l’étendue du transfert des obligations de réhabilitation et de surveillance le cas échéant ainsi que l’accord écrit du dernier exploitant sur le type d’usage.
Si le préfet accepte la demande, il détermine le type d’usage futur du site, ainsi qu’un délai dans lequel le tiers demandeur doit adresser le dossier de substitution. Le tiers demandeur doit alors remettre au préfet un dossier dont le contenu est mentionné à l’article R. 512-78, I. du même code[7]. L’objectif est de définir la nature des travaux et les garanties financières.
Si le préfet accepte la substitution, aux termes du paragraphe III de l’article précité, il fixe dans un arrêté les travaux à réaliser, le délai de mise en œuvre, le montant et la durée des garanties financières, l’attestation de maîtrise foncière du terrain ou l’autorisation du propriétaire de réaliser les travaux prescrits, ainsi que l’attestation de constitution de garanties financières. Si le délai fixé par l’arrêté n’est pas respecté, l’obligation de remise en état est de nouveau à la charge du dernier exploitant.
Afin de répondre à une éventuelle défaillance du tiers demandeur, le paragraphe V de l’article L. 512-21 du Code de l’environnement instaure un mécanisme de garanties financières en vue de couvrir la réalisation des travaux de réhabilitation.
Les dispositions relatives aux types de garanties financières exigées figurent aux articles R. 512-80 et R. 512-81 du Code de l’environnement. L’article 2 du Décret du 9 octobre 2017[8], qui a pour objectif de simplifier la procédure du tiers demandeur, supprime l’obligation de constitution de garanties financières à première demande en modifiant l’article R. 512-80 précité.
Le préfet est chargé de la mise en œuvre des garanties financières soit (i) en cas de non exécution par le tiers demandeur des opérations prévues, soit (ii) en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre du tiers demandeur et soit (iii) en cas de disparition du tiers demandeur personne morale par suite de sa liquidation amiable ou judiciaire ou du décès du tiers demandeur personne physique.
En cas de défaillance et en cas d’impossibilité de recouvrer les garanties financières, le dernier exploitant doit alors assurer la remise en état, conformément aux dispositions du Code de l’environnement. Le dernier exploitant reste donc redevable et n’est jamais complètement déchargé de ses obligations. Le principe du pollueur-payeur reste ainsi en vigueur. Néanmoins, la prise en charge des travaux par le dernier exploitant ne sera jamais plus lourde que celle qu’il aurait dû assumer si le dispositif du tiers demandeur n’avait pas été mis en place.
Le dispositif du tiers demandeur permet de débloquer la reconversion de nombreux sites industriels. Il mérite clairement d’être mieux compris, apprivoisé et donc… utilisé.
[1] Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové NOR: ETLX1313501L.
[2] Décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 portant application de l’article L. 512-21 du code de l’environnement, NOR: DEVP1501385D.
[3] Note du 19 avril 2017 relative aux sites et sols pollués, mise à jour des textes méthodologiques de gestion des sites et sols pollués de 2007, NOR : DEVP1708766N.
[4] Circulaire du 8 février 2007 relative aux installations classées – Prévention de la pollution des sols – Gestion des sols pollués, NOR : DEVP070082C, 3.2.2.
[5] CE, 21 février 1997, SCI Les Peupliers, n° 160250.
[6] CE, 24 mars 1978, Société le Quinoléine, n° 01291.
[7] A savoir un mémoire de réhabilitation, une estimation du montant des travaux de réhabilitation, une estimation de la durée des travaux de réhabilitation, un document présentant ses capacités techniques et financières, un document présentant la façon selon laquelle le dernier exploitant et le tiers demandeur entendent se répartir, si elles sont nécessaires pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, les mesures de surveillance et de gestion des pollutions dues à l’installation classée hors du site.
[8] Décret n° 2017-1456 du 9 octobre 2017 modifiant les articles R. 125-44, R. 512-80 et R. 556-3 du code de l’environnement et R. 441-8-3 du code de l’urbanisme, NOR: TREP1624606D.
Patricia Savin
Avocate Associée
DS Avocats
Intervenant EFE à la conférence « SIS, tiers demandeurs, terres excavées« , mardi 3 juillet 2018 à Paris