Audit énergétique des entreprises : comment rattraper le retard ?

La Rédaction Analyses Experts : Pouvez-vous nous rappeler les obligations des entreprises en matière d’audit énergétique ? Comment peuvent-elles y répondre ?

Vincent Vanel : La Directive européenne sur l’efficacité énergétique, adoptée par les 27 pays membres le 25 octobre 2012, a défini un cadre juridique pour placer la performance énergétique au cœur des enjeux des entreprises et des administrations et doit les aider à intégrer la réduction de leurs consommations et l’amélioration de leur impact environnemental dans un plan d’action. La Directive a été transposée en droit français par la loi dite DDADUE du 17 juillet 2013. Celle-ci imposait aux entreprises de réaliser avant le 5 décembre 2015 un audit énergétique sur un périmètre représentant au moins 80% du montant de leur facture énergétique, sous peine de s’exposer à des sanctions pouvant aller jusqu’à 2% de leur chiffre d’affaires.
Sont concernées les entreprises répondant à au moins une des conditions suivantes :
– plus de 250 collaborateurs
– plus de 50M€ de chiffre d’affaires
– ou de plus de 43M€ de bilan.
Les entreprises engagées dans un audit énergétique au 5 décembre 2015 pouvaient transmettre leurs justificatifs jusqu’au 30 juin 2016, le dispositif exemptant les organisations certifiées ISO 50001 à cette date.

Trois ans après la publication de la directive et près d’un an après la publication de l’ensemble des textes réglementaires d’application de l’article L233-1 du code de l’énergie, le retour d’expérience témoigne d’une phase critique puisque 4 700 entreprises sur les 5 300 soumises à l’obligation n’ont toujours pas réalisé leur audit. Elles viennent d’être relancées par l’administration avec menace d’application de la pénalité.

Par ailleurs, une étude de l’ADEME à paraître revient sur les audits énergétiques réglementés réalisés au cours de la première période.

Enfin, il est prévu et en préparation que toutes les entreprises, y compris en deçà du seuil actuel PME, soient soumises à cette obligation d’audit. Cela augmentera considérablement le volume d’audit à réaliser.

Pour réaliser un audit, elles peuvent se tourner vers les ingénieurs- conseil indépendants qui font de l’AMO ou de la maitrise d’Œuvre. La fédération CINOV regroupe notamment ces professionnels qualifiés. Ils seront les mieux placés pour leur apporter un niveau d’expertise indépendant et un chiffrage des préconisations cohérents et réalistes. C’est également eux qui peuvent les accompagner pour mieux appréhender les nouveaux marchés de l’efficacité énergétique et des CPEs.

La Rédaction Analyses Experts : Au-delà des enjeux réglementaires, quels bénéfices peuvent-elles en retirer ?
Vincent Vanel : Les objectifs ambitieux en matière d’efficacité énergétique que se sont donnés les autorités européennes et françaises, ne pourront être atteints que s’il est permis l’émergence d’un véritable secteur économique de l’efficacité et de la sobriété énergétique, avec des vendeurs d’économies d’énergies, des vendeurs de kilowatteurs négatifs, des vendeurs de negawatteurs, « des dieteticiens de l’énergie », passant notamment par des solutions de tiers-investissement rémunérées à l’objectif d’économies atteint.

Il serait dans ce cas-là, bien moins nécessaire de se poser des questions sur l’indépendance, puisque les intérêts seraient opposés. De même en matière de qualité des prestations, puisque qu’alors ce serait la performance des actions d’économie d’énergie qui feraient la rentabilité et la viabilité des entreprises auditrices et « faiseuses d’économie d’énergie », les vertus du marché et de la concurrence faisant le reste par le tri des compétences à obtenir des résultats probants.

La Rédaction Analyses Experts : Comment bien réussir cette démarche et quels sont les pièges à éviter ?

Vincent Vanel : Le gouvernement vise à ce que les industriels mettent en œuvre des actions de performance énergétique. L’audit n’est pas une fin en soi.
L’audit réglementaire ou non réglementaire sert avant tout d’élément déclencheur pour définir un plan d’actions d’économie d’énergie avec une valorisation pertinente des coûts et des gains. La décomposition des consommations en usages permet d’avoir une certaine culture mais reste une affaire de spécialistes pour identifier les niveaux de performances énergétiques des usages. Par exemple, lorsque vous utilisez votre voiture, quel est l’intérêt de connaître la répartition de la consommation de carburant entre les pertes d’énergie dans l’échappement ou dans la boîte de vitesse, … puisque ce qui nous importe c’est que notre auto nous emmène à nos rendez-vous dans un temps donné, voir avec un minimum de carburant.

Trop d’information tue l’information, il est donc conseillé de bien définir ses objectifs de performance énergétique et de mettre en perspective l’audit énergétique, en tant qu’outil, dans une stratégie de management de l’énergie.

Les auditeurs devront être idéalement maîtres d’œuvre, c’est à dire être capables de prescrire des solutions précises chiffrées.

Vincent VANEL
GREENATION SAS
Énergie, Environnement, RSE
Animateur EFE de la formation « Norme ISO 50001 » les 4 et 5 avril 2018 à Paris